Introspection

Reprenons : où en es-tu ?

Ton amie Aliénor a accouché hier, d'une petite crevette de 1,7 kg, arrivée 8 semaines plus tôt que prévue. Tu as du mal à te faire à l'idée qu'Aliénor est maintenent maman. Elle aussi pour l'instant, sa petite crevette n'a même pas encore de prénom et va devoir affronter quelques semaines de couveuse avant de rentrer se faire dorloter à la maison par papa et maman.

Toi tu entames ton cinquième cycle d'essai. Tu as sorti ta calculatrice, tu sais que l'ouverture va être dans les prochains jours. Pour te donner un maximum de chances, tu as acheté des tests d'ovulation. Ça coûte une fortune et tu ne sais pas trop à quel point c'est fiable, mais bon, tu as envie de mettre toutes les chances de ton côté ce mois-ci.

Le mois dernier, lorsque tu as su que ce ne serait pas pour cette fois, tu as pleuré de déception. Mais la bonne suprise, ça a été de voir que l'homme était ébranlé lui aussi. Tu t'attendais à ce qu'il te remonte le moral d'un "c'est pas grave, de toute façon une naissance en septembre c'était pourri" et autres banalités pour te faire sourire. La fois d'avant il avait pris ça vraiment à la légère. Pas là, tu l'as senti déçu lui aussi, et touché par ta propre tristesse.

Laureline t'a dit qu'en moyenne, au bon âge et avec des rapports fréquents, on avait 1 chance sur 5 par cycle. Ce ne sont que des probabilités, et ça ne veut rien dire de plus, mais statistiquement au moins, tu as plus de chances ce moi-ci que les précédents. On se remonte le moral avec ce qu'on peut.

Hier tu as vu ton médecin, elle t'a demandé où tu en étais. Tu lui as dit toujours rien, elle a à peine haussé un sourcil. 6 mois d'essai ce n'est vraiment pas grand chose. C'est fou de constater comme tu t'es fait piéger toi qui croyais être loin au dessus de ça. Tu pensais que quand tu arrêterais la pilule, ça signifierait que maintenant tu es prête, mais pas que tu "essaies" : tu parles ! Pour la façade, autour de toi, tu dis que tu ne te mets aucune pression, que le mini toi viendra quand il viendra... mais c'est dur.

Au collège c'est moyen en ce moment. Aliénor est en arrêt depuis si peu de temps, tu n'as pas vraiment eu le temps de te rendre compte de son absence. Tu sais que ça va être dur lorsque Laureline partira elle aussi. Et en même temps... ça va aussi être l'occasion de s'ouvrir un peu plus aux autres. Tu sais depuis longtemps déjà que votre petit trio est un peu exclusif, et que ça doit faire peur, vu de l'extérieur. Jeudi, premier jour d'arrêt d'Aliénor, plusieurs collègues t'ont demandé si toi, ça allait, sans ta copine. 

Celle qui a touché juste, c'est la jeune collègue d'histoire géo qui t'a dit : "le plus dur pour toi, ça doit être de savoir que vous ne retravaillerez plus jamais ensemble." Et c'est vrai. Aliénor ne reviendra pas cette année, et moi je quitte le collège. Je pense que la fin d'année va être difficile, même si je suis heureuse de quitter enfin la région parisienne, et d'aller m'installer dans une grande ville de province.

Tiens, c'est étrange, je viens de passer du "tu" au "je"... Est-ce que ça signifie que je me sens plus à l'aise avec l'idée de me raconter ? A suivre...