Et si ? (suite)

La salle d'attente désertée est plongée dans le noir, et la gentille réceptionniste de ce matin n'est plus là. J'attends, patiemment, en me demandant si je savoure cette attente, ou si je l'execre. Je vois des résultats d'examen déposés sur le bureau, je me retiens de me tordre le cou pour voir si je peux y lire mon nom.

Comme il n'y a pas de sonnette, je me demande si on m'a bien entendue entrer. Heureusement, la vilaine toux que je traîne depuis une semaine ne me laisse pas le loisir de me poser davantage de question. "Oh la la, quelle vilaine toux !" La réceptionniste n'est pas la même que ce matin, mais elle sort du même moule : une petite femme blonde et toute menue au sourire avenant et au froncement de sourcils faussement inquiet. La soeur jumelle de sa collègue, la fatigue de la fin de journée en plus.  "Oui, je la traîne depuis une semaine".

La femme me tend une enveloppe : "Voila, madame".

Je me saisis de l'enveloppe, je la tourne et la retourne. Elle n'est pas cachetée. "Voila, madame", me répète gentiment la femme.

Le trajet du laboratoire à chez moi dure 10 minutes, plus 10 minutes pour me garer, monter l'escalier. Je n'ai pas lâché des mains cette foutue enveloppe; l'observant à la dérobée, l'entrouvrant à un feu rouge, juste assez pour y lire mon nom.

Je n'arrive pas à savoir si je suis impatiente ou anxieuse, mais je fais durer le suspense. Assise devant mon clavier, je l'observe du coin de l'oeil cette enveloppe. Je dis cette enveloppe, mais je triche, en fait je l'ai ouverte, et sans sortir la feuille j'en ai lu la première page. Hématologie, Biochimie du sang, Enzymologie, une série de chiffres à laquelle je ne comprends rien. C'est sûrement dans un de ces chiffres que se trouve l'explication à mes malaises répétés, mais tout de suite ce n'est pas cela qui m'importe.

Je me prépare à ce que je vais lire sur la deuxième page. Sans doute une autre série de chiffres incompréhensibles. Sauf que. Je sais qu'il me suffira de quelques clics pour leur donner du sens à ceux-là. 

Je vais les lire ces résultats, mais avant j'avais besoin d'écrire ici mon ressenti. Parce que dans un instant je serai peut-être un peu déçue ou peut-être inconsolable, peut-être en train de harceler google de recherches sur les faux-négatifs (parce que si ça existe les faux-négatifs), ou peut-être blasée. Peut-être que pour la première fois depuis 6 mois, je les attendrai sans angoisse : elles, ces execrées, qui depuis 15 ans ne m'ont jamais fait faux bond. Elles qu'il m'est arrivé adolescente d'espérer sans cesser pour autant de les haïr, et que je n'ai jamais autant redoutées que ces 6 derniers mois. Elles, fidèles au poste tous les mois, et avec elles leur lot de douleur et de mauvaise humeur. Oui, peut-être.

Ou peut-être que...